Le concours breton de Taille de Pierre : un défi pour Raphaël et Thomas, deux jeunes candidats
Les 29 et 30 novembre 2024, le campus de l’UNICEM Bretagne à Louvigné-du-Désert en Ille-et-Vilaine, était le théâtre d’un concours de Taille de Pierre rassemblant sept candidats bretons. Chacun d’entre eux avait une ambition en tête : décrocher la médaille d’or et représenter la Bretagne aux finales nationales à Marseille en octobre 2025, puis aux mondiaux à Shanghai en 2026.
Parmi ces candidats, nous avons rencontré deux jeunes tailleurs de pierre : Raphaël et Thomas, tous les deux âgés de 22 ans. À travers leurs témoignages, on découvre l’exigence d’un métier où précision, gestion du temps et passion sont les clés de la réussite.
10 heures pour reproduire une traverse de fenêtre et graver l’emblème de l’OM
Cette épreuve a mis les candidats au défi avec deux exercices très techniques. Tout d’abord, chaque participant a dû reproduire un modèle de meneaux et traverses d’une fenêtre à partir d’une pierre de Vilhonneure, une pierre extraite des Charentes. L'enjeu était de taille : chaque candidat disposait d’une seule pierre et d’un temps limité. L’erreur n’était donc pas permise. Raphaël, en formation itinérante avec les Compagnons du Devoir, raconte : "Le plus dur, c’était le temps. La première pierre était très cassante, et c’était la première fois que je faisais de la gravure." Il souligne l’aspect challengeant de l’épreuve, mais aussi la gravure qu’il a découvert pendant cette compétition : "C’était cool, j’ai bien aimé. Je pense que je m’en suis bien sorti."
La seconde partie de l’épreuve consistait à graver l’emblème de l’Olympique de Marseille, un clin d’œil aux futures finales nationales de 2025 qui se tiendront à Marseille. Cette tâche imposait une maîtrise de la gravure et de l’ornementation, des compétences essentielles pour les tailleurs de pierre. Thomas, qui étudie actuellement en BP (Brevet Professionnel) à l’UNICEM Bretagne, explique : "C’était super intense. Si je devais décrire cette expérience en un mot, je dirais intense. Le timing était serré, il fallait courir, chercher des points et avoir une stratégie."
L’importance de la stratégie et de la précision pour gagner
Les candidats sont jugés sur plusieurs critères : la précision des côtes (au millimètre près), la symétrie, la finition, et la qualité du visuel du rendu final. Si certains ont misé sur la perfection des finitions, d’autres ont préféré travailler de manière plus stratégique. Thomas poursuit : "On est évalués sur nos finitions, comment on finit nos moulures, des choses comme ça, et c’est ce qui rapporte le plus de points." Il détaille ensuite sa propre approche : "La première journée, je n’avais pas forcément de stratégie. Je voulais d’abord voir comment j'avançais. Ce matin, j’ai tout joué sur les points, en cherchant les amortis." C’est cette capacité à jongler entre précision et gestion du temps qui peut faire la différence. "Si je taille tout le long, je perds trop de temps et ce n’est pas ce qui me rapporte le plus de points” conclue Thomas.
Raphaël, quant à lui, met en avant les spécificités de sa formation et de l’apprentissage autodidacte dans son parcours. "On a une formation spécifique. Après le CAP, on part sur le Tour de France des Compagnons du Devoir. C’est beaucoup d’autodidacte, on travaille tous les soirs et le samedi, et dans ce moment-là il n’y a que nous. " Les formations pour être tailleur de pierre privilégient l’apprentissage sur le terrain et la pratique du métier avec des professionnels. Cette méthode permet aux jeunes tailleurs de pierre d’acquérir une grande autonomie et une expertise pratique.
L’évolution du métier et la place des outils modernes
Le métier de tailleur de pierre combine des outils traditionnels et modernes. Les jeunes professionnels comme Raphaël et Thomas commencent par travailler avec la massette et le ciseau, des instruments historiques. Toutefois, au fur et à mesure de leur formation, ils intègrent les outils pneumatiques, qui offrent une meilleure efficacité et une productivité accrue. "C’est une question de temps et d’efficience", explique Éric Josnin, Directeur du campus de l’UNICEM Bretagne. L’introduction des outils modernes permet aux tailleurs de pierre de répondre aux exigences de plus en plus élevées en matière de précision, tout en réduisant les efforts physiques.
Les outils pneumatiques, tels que ceux en acier forgé ou alliage tungstène, sont particulièrement adaptés aux pierres dures, comme la pierre utilisée pour cette épreuve. Ils permettent de sculpter plus rapidement et avec plus de finesse, tout en préservant la qualité du travail.
Le métier de tailleur de pierre : un engagement passionné
Au-delà de l’aspect technique, le métier de tailleur de pierre est un véritable engagement. Un engagement envers un patrimoine qui traverse les âges, et une passion pour un travail de précision, souvent exercé en extérieur et dans des conditions exigeantes. Ce métier, qui s’inscrit dans la tradition, est également un vecteur d’avenir. "Le but du tailleur de pierre, c’est de s’inscrire dans la durée. La pierre a une durée de vie élevée, ce qui fait qu’on crée quelque chose de pérenne", souligne Eric Josnin.
Le travail en milieu rural peut représenter un atout, mais l’accessibilité à ces entreprises peut parfois être un frein pour certains jeunes : "Il faut souvent avoir son permis pour accéder à ces entreprises, car elles sont souvent implantées en milieu rural."
En Bretagne, seuls deux établissements préparent au métier de Tailleur de Pierre : le campus de l’UNICEM Bretagne à Louvigné-du-Désert (35) et le Lycée professionnel Jean Monnet à Quintin (22). Situés en milieu rural, au plus près des carrières et des entreprises, ils doivent mettre en place des solutions pour faciliter la vie des élèves : navette de l’établissement jusqu’aux grandes villes avoisinantes, aide pour trouver un logement, aide au permis...
Un avenir prometteur pour les jeunes tailleurs de pierre
La Compétition des Métiers, c’est bien plus qu’une compétition, c’est un tremplin pour l’avenir. Pour Raphaël, Thomas et les autres candidats, l’épreuve de la Compétition des Métiers a été un moment de mise à l’épreuve, mais aussi d’apprentissage et de partage. "Il n’y a rien à perdre, que des choses à apprendre", conclut Thomas, soulignant que chaque concours, chaque épreuve, est une occasion de se perfectionner.
Le 31 janvier prochain, au Parc des Expositions de Saint-Brieuc, le ou la gagnante de cette épreuve de Taille de Pierre sera annoncé. Ce/la candidat(e) aura la lourde tâche de représenter la Bretagne lors des compétitions nationales et internationales. Une chose est certaine : la passion et le savoir-faire des jeunes tailleurs de pierre bretons ne sont pas près de s’éteindre, bien au contraire.